Accueil |
Samedi 19 Octobre 2002 |
|||||
Retour | ||||||
TRAITEMENT PHARMACOLOGIQUE DU SAIGNEMENT Ph. LEHOUX Département dAnesthésie-Réanimation Centre Hospitalier Côte de Nacre 14033 CAEN Cedex INTRODUCTION Les agents pharmacologiques utilisés pour réduire le saignement périopératoire sont classés en 2 catégories. A la première appartiennent des médicaments abaissant les pressions hydrostatiques intravasculaires et agissant sur le saignement "mécanique" (hypotension contrôlée). Dans la seconde figurent des molécules intervenant dans les processus dhémostase, de coagulation ou de fibrinolyse. Seule cette dernière catégorie sera envisagée ici. Elle comprend principalement la desmopressine, laprotinine et des antifibrinolytiques de synthèse (acide tranéxamique et acide epsilon-aminocaproïque). Deux situations ayant des objectifs différents sont envisagés dans cette présentation. Tout dabord la réduction pharmacologique du saignement dans le cadre de la chirurgie hémorragique programmée. Dans ce contexte, la simple réduction des pertes sanguines ou lamélioration des données biologiques de lhémostase ne sont que des objectifs intermédiaires, en soi insuffisants. Les objectifs recherchés sont la diminution des besoins transfusionnels allogéniques et la diminution du risque de réintervention précoce pour lhémostase. Deux conséquences bénéfiques pourraient en résulter comme lamélioration des conditions opératoires et la réduction de la durée dintervention chirurgicale. Dans le cadre de la chirurgie urgente dans un contexte de choc hémorragique, les objectifs intermédiaires deviennent les objectifs principaux. DESMOPRESSINE Lacétate de desmopressine ou dDAVP est un polypeptide analogue synthétique de la vasopressine destiné initialement au traitement du diabète insipide central. La desmopressine napparaît pas efficace dans la réduction des besoins transfusionnels en labsence de pathologie préexistante de lhémostase. Elle réduirait le saignement chez les patients traités par aspirine, mais cette possibilité doit être confirmée. APROTININE Laprotinine est un polypeptide contenant 58 acides aminés. Elle est isolée du poumon de buf et a pu être produite par génie génétique. Cest un inhibiteur à spectre large des sérines-protéases (ou serpine) et peut donc agir sur de nombreux systèmes biologiques. Par ailleurs, laprotinine exerce divers effets modulant la réponse inflammatoire, notamment après CEC. La recherche dune activité antikallibréine a conduit au schéma classique des fortes doses : 2.106 UIK suivi dune perfusion continue de 0,5.106 UIK. Un nombre important détudes randomisées contre placebo a été effectué en chirurgie cardiaque montrant lefficacité de laprotinine dans la réduction du saignement et des besoins transfusionnels. Certains facteurs modulent lépargne sanguine procurée. Laprotinine apparaît plus efficace quand lhémoglobinémie recherchée est plus élevée, ou quand les pertes sanguines sont importantes. Lefficacité de laprotinine, dans la chirurgie de laorte thoracique avec arrêt circulatoire en hypothermie profonde est quant à elle controversée. En chirurgie hépatique, laprotinine est essentiellement utilisée en transplantation hépatique. En Europe, lutilisation prophylactique et continue daprotinine à fortes doses sest largement répandue depuis 1990 au vu détudes non randomisées objectivant une réduction considérable (50-70%) du saignement. En chirurgie de résection hépatique, une étude randomisée contre placebo note une réduction de 26% des pertes sanguines, la proportion de malades transfusés diminuant de 39 à 17%. En chirurgie prothétique de hanche, laprotinine à fortes doses réduit significativement les pertes sanguines (- 26%) et la demande érythrocytaire moyenne périopératoire (-47%). Les études consacrés à laprotinine au cours des hémorragies obstétricales sont peu nombreuses et les indications de ce médicament semblent relever avant tout du cadre non spécifique des fibrinolyses, généralement au décours dune CIVD. Les risques liés à lutilisation de ce produit sont de trois ordres : le risque allergique, le risque thrombotique et le risque rénal. ANTIFIBRINOLYTIQUES ANALOGUES DE LA LYSINE Ce groupe est constitué de 2 molécules synthétiques, lacide epsilon-aminocaproïque (AEAC) et lacide tranéxamique (ATx). En 1990, la première étude randomisée en chirurgie cardiaque avec CEC montre que lATx diminue le saignement postopératoire den moyenne 34% sans réduction de la demande transfusionnelle sauf pour les apports plasmatiques. Récemment, deux solides études randomisées contre placebo appuient cette conclusion. En chirurgie hépatique, lATx démontre son efficacité lorsquil est utilisé à fortes doses. Le danger essentiel des analogues de la lysine réside dans leur potentiel prothrombotique. CONCLUSION Les interrogations portent, non pas sur lefficacité de laprotinine ou des antifibrinolytiques de synthèse, mais sur les situations dans lesquelles le bénéfice procuré justifie le risque potentiel et le coût de leur utilisation. Lindication dun agent hémostatique doit être fondée sur lévaluation, à léchelon local, du profil des apports transfusionnels selon la nature de la chirurgie et des facteurs individuels de risque hémorragique. |