Interview: les Banques de Tissus

Docteur Bernard Loty.
Directeur du Département Médical et Scientifique
Etablissement Français des Greffes.


 décret n°99-741 du 30.08.99 relatif aux conditions d'autorisation des établissements publics de santé exercant les activités régies par l'article L.672-10 du CSP…(voir lois bioéthique 94-654-section 4: de la conservation et de l'utilisation des tissus et cellules du corps humains.)

AFCH
- Le schéma d'instruction de la demande d'autorisation nous paraît complexe. Pouvez-vous clarifier la procédure d'instruction et les rôles de chaque institution tels que celui de l'Agence française de Sécurité Sanitaire, celui de l'EFG, le rôle du préfet de région et celui de l'Agence Régionale d'Hospitalisation.

 

Dr B. Loty
- Le schéma d'instruction de la demande d'autorisation peut paraître complexe, mais il est en pratique assez simple et a l'avantage de faire intervenir l'ensemble des institutions impliquées dans cette activité.

Le dossier est envoyé au Directeur Général de l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS), qui en envoie une copie :

  1. à l'Etablissement français des Greffes (EfG),
  2. au Préfet de région,
  3. au Directeur de l'Agence Régionale d'Hospitalisation (ARH), si le demandeur est un Etablissement de santé.

 Sur le plan pratique, l'inspection est réalisée par la Direction Régionale des Affaires Sanitaires et Sociales (DRASS), accompagnée d'un représentant des Services de Régulation et d'Appui (SRA) de l'EfG.

Le rapport d'inspection fonde l'avis du Préfet de région.

Le rapport d'inspection est également adressé au Directeur de l'ARH, lorsque l'autorisation est sollicitée par un Etablissement de santé.
Chacun de ces organismes doit fournir son avis au Directeur Général de l'AFSSAPS dans un délai de trois mois (absence de réponse vaut avis favorable).

Le Directeur Général de l'AFSSAPS notifie sa décision au demandeur dans un délai de six mois, après que le dossier ait été réputé complet. L'absence de réponse dans ce délai vaut rejet de la demande.

AFCH
- Le Décret prévoit dans la procédure d'autorisation (sous section 1 art.R. 672-15) que la demande d'autorisation soit accompagnée d'un dossier justificatif comprenant notamment:

  1. La liste et la qualification du personnel et la nature des missions qui lui sont confiées ;
  2. La description des procédures utilisées pour réaliser les différentes activités qu'y pratiquera l'organisme demandeur…:

Les coordinations hospitalières seront-elles concernées par ces deux derniers points ou s'agit-il uniquement du personnel des banques de tissus ? Devrons-nous réfléchir à un profil de poste précisant ces qualifications la nature des missions pour les équipes de prélèvement de tissus ?

Docteur B. Loty
- Le dossier d'autorisation comporte effectivement la liste et la qualification des personnels et la nature des missions qui leur sont confiées. Il s'agit ici du personnel spécifique de la banque de tissus, qui n'inclut pas la coordination de prélèvement.

Le dossier comporte également la description des procédures utilisées pour réaliser les différentes activités, et ces procédures incluent celles liées au prélèvement. Il ne s'agit donc pas des procédures de coordination du prélèvement en tant que tel, mais les coordinations hospitalières sont ici largement impliquées. En effet, ces procédures incluent l'organisation du prélèvement, la sélection clinique des donneurs, l'obtention des éléments permettant d'assurer la sélection biologique, les techniques de prélèvement lui-même, le conditionnement, le transport des greffons.

Les coordinations hospitalières sont également largement concernées par un autre élément du dossier que sont les conventions liant les banques de tissus et les établissements de santé dans le cadre du prélèvement. 


AFCH

- De même le septième point de cette procédure d'autorisation prévoit que le Directeur de l'Agence Régionale d'Hospitalisation peut procéder ou faire procéder à toute investigation ou vérification complémentaire. Est-ce que des inspections vont être diligentées par l'ARH , l'Agence Française de Sécurité Sanitaire ou l'Etablissement Français des Greffes ?. Les coordination hospitalières devront-elles mettre au point ou revoir leur organisation

Docteur B. Loty
- Comme il a été dit plus haut, l'ARH est destinataire du rapport d'inspection réalisé par la DRASS. Les inspections, dans le cadre des autorisations de banques, visent les banques elles-mêmes, ou éventuellement leurs sous-traitants. Cependant, comme vous le précisez, l'ARH peut demander toute investigation complémentaire.

Par ailleurs, en dehors de ce processus d'autorisation des banques, le Ministère a prévu un plan d'inspection des sites de prélèvement de tissus, destiné à faire le point après la délivrance des autorisations de prélèvement accordées aux Etablissements de santé. La coordination hospitalière sera alors en première ligne et l'inspection portera sur l'application des règles de bonnes pratiques de prélèvement. 


AFCH
-
Les établissements de santé autorisés à cette activité " banque " seront-ils autorisés pour tous types de tissus ou tissu par tissu ? Une autorisation peut-elle être restrictive à un seul tissu, la cornée par exemple ?

Docteur B. Loty
- Les établissements autorisés à des activités de banque, qu'ils soient Etablissements de santé, Etablissement de Transfusion Sanguine ou autre organisme autorisé, le seront par type de tissu. L'autorisation pourra donc concerner éventuellement un seul tissu, comme la cornée ou l'os, ou plusieurs tissus. 

AFCH
Les banques de tissus devront-elles être opérationnelles et ouvertes 24H/24 ?

Docteur B. Loty
Il n'y a pas d'obligation d'horaires d'ouverture pour les banques, cependant, le décret précise que la distribution des tissus doit être possible, lorsque leur nature le justifie, 24 heures x 24. Cette obligation d'application dépend donc de l'organisation de la banque et de la nature des tissus. Le Comité Médico- Technique (CMT) de la banque associant l'ensemble des participants à l'activité aura un rôle important à jouer pour que des conditions harmonieuses de fonctionnement soient mises en place.


AFCH :
L'article R. 672-4 prévoit la mise en place d'un comité médico-technique pour les banques de tissus autorisées. Ne serait-il pas intéressant, à votre avis, d'inclure systématiquement des coordinatrices hospitalières de prélèvement dans ces comités ?
La composition de ces comités médico-techniques sera t-elle précisée ultérieurement ?

Docteur B. Loty
Il me paraît tout à fait intéressant d'inclure des coordinatrices hospitalières de prélèvement dans les CMT des banques de tissus. Il est précisé dans les règles de bonnes pratiques de conservation des tissus (arrêté du 29.12.1998) que l'ensemble des participants doit être associé à ce comité. Le prélèvement est bien évidemment un maillon essentiel de l'activité de la banque, qui justifie pleinement la participation de coordinatrices de prélèvement.

 Arrêté du 30 août 1999 portant homologation des règles de répartition et d'attribution des greffons tissulaires prélevés sur une personne décédée ou recueillis au cours d'une intervention médicale en vue de greffe.

 

AFCH
En cas d'urgence, ou en cas de problème d'approvisionnement en greffon tissulaire pouvez-vous nous préciser quel pourra être le rôle des Services de Régulation et d'Appui de l'Etablissement français des Greffes ? 

Docteur B. Loty
Les règles de répartition et d'attribution des greffons tissulaires prévoient effectivement qu'en cas de difficultés d'approvisionnement, le responsable de la banque ou tout responsable d'une équipe médico-chirurgicale, peut solliciter le service inter-régional de régulation et d'appui de l'EfG. En effet, les SRA ont un rôle organisationnel majeur au niveau des activités de prélèvement d'une part, ils participent d'autre part au CMT des banques. Ils sont donc à même d'améliorer à la fois les relations prélèvements/banques et les relations de banques à banques. Ils ont en outre vis-à-vis de ces différents interlocuteurs un rôle de conseil, voire de médiateur. Leur intervention permet également de faire remonter les informations au niveau du siège de l'EfG, afin de mesurer les difficultés rencontrées, et d'élaborer lorsque cela est nécessaire, et en concertation avec l'ensemble des intéressés, des mesures correctrices à l'échelon national.

 

AFCH
La liste nationale d'attente cornées : combien de personnes en attente ? Comment est-elle gérée ? Quel est le but de cette liste ? Quel sera le rôle de l'Etablissement français des Greffes dans la gestion de cette liste ? Pour les autres tissus (valves, os, peau…), est-ce qu'une telle liste est envisagée ?

Docteur B. Loty
La liste nationale des patients en attente de greffe de cornée a été instaurée par les Lois bioéthiques de 1994. L'élaboration des fonctionnalités et des modalités de gestion de la liste ont fait l'objet d'un travail préparatoire dès 1996 avec la création d'un groupe de travail spécifique associant des Ophtalmologistes, des responsables de banques et des représentants de l'EfG et de la Direction Générale de la Santé, puis d'une saisine du Conseil Médical et Scientifique de l'EfG. Le but de cette liste est bien sûr et avant tout de connaître le flux de patients en attente de greffe de cornée, et de pouvoir mesurer son évolution. Elle permet également une mesure des activités de greffe par équipe. Cette liste permet en outre une approche épidémiologique des indications de greffe de cornée, du contexte clinique de la greffe, des antécédents chirurgicaux, et des pathologies oculaires associées. La liste d'attente est gérée par le Service de Régulation Nationale de l'EfG et par les SRA. Au mois de Juillet 1999 un recensement des équipes d'ophtalmologie impliquées dans la greffe de cornée a été réalisé.

L'enregistrement des patients en attente de greffe et l'enregistrement de sortie de liste, réalisés dans chaque inter-région auprès du SRA de l'EfG a débuté le 1er octobre 1999.

Il n'est pas actuellement prévu de mettre en place de liste d'attente pour d'autres tissus. 

Je voudrais si vous le permettez ajouter en conclusion, que j'attache une grande importance à l'intérêt que votre Association porte à la mise en place des banques de tissus. En effet, à côté de la mise en place d'une organisation solide de banques de tissus, dont l'encadrement est maintenant complet (règles de bonnes pratiques, autorisations d'activité et d'importation), il est essentiel que l'augmentation des activités de prélèvement de tissus, qui est déjà très nette pour la cornée, se poursuive. L'augmentation de ces activités passe obligatoirement par la coopération entre les coordinations de prélèvement et les banques.