MYTHES ET REALITES

 

HYPNOSE : L’hypnose entretient avec le corps médical des relations ambiguës.

·         Mais de quelle hypnose parle t’on ?

Ce terme « hypnose » recèle tellement de significations qu’il est bien de savoir de quoi l’on parle d’autant que ceux, comme moi, qui s’en occupent depuis des années ne savent pas toujours non plus de quoi il s’agit.

« Hypnose » est un mot valise, et il y en a des choses dans cette valise :

·         des choses à trier,

·         des choses à garder,

·         des choses à regarder,

·         des choses à mettre de côté

·         des choses à nettoyer,

 Mais je n’en dirai pas plus ici car je préfère l’ouvrir avec vous lorsque nous serons réunis

 

 

 

 

PLACE DE L'HYPNOSE AU BLOC OPERATOIRE

 

Neuroanatomie fonctionnelle de l'état hypnotique

et de la modulation de la perception douloureuse

L’hypnose, au cours de l’histoire, a suscité enthousiasme et rejet. Le phénomène de l’Hypnose a donné lieu à d’innombrables théories et spéculations quant à sa véritable nature.

L’absence de méthode objectivée attestant d’un état hypnotique d’une part, et l’étrangeté des phénomènes survenant durant l’hypnose d’autre part, expliquent la circonspection avec laquelle la communauté scientifique a considéré cet état et ses éventuelles propriétés thérapeutiques.

A la recherche d’une technique d’accompagnement du patient en cours de chirurgie, nous nous sommes décidés à utiliser l’hypnose dans les sédations intraveineuses conscientes en chirurgie.

Cette technique anesthésique appelée « hypnosédation » est proposée à la place d’une anesthésie générale pour des chirurgies où une anesthésie locale est réalisable mais insuffisante pour apporter le confort du patient.

Depuis 1992, plus de 1 800 patients ont ainsi bénéficié de cette technique. Encouragés par le succès clinique de cette application, nous avons étudié chez des volontaires l’état hypnotique, tel qu’il est pratiqué au bloc opératoire. La tomographie à émission de positions (PET) avec injection itérative d’eau radio-marquée permet ainsi la détection des aires cérébrales activées ou inhibées lors d’une tâche neurophysiologique.

Ainsi nous avons obtenu la preuve que l’état hypnotique induit un fonctionnement cérébral spécifique : ni éveil, ni sommeil ou rêves, ni imagerie mentale. Une activité cérébrale intense au niveau du cortex visuel extrastrié, témoigne d’hallucinations visuelles complexes en état d’hypnose, tout en se différenciant des hallucinations visuelles observées chez les schizophrènes. L’activation du cortex sensoriel moteur au cours d’hypnose suggère que le sujet soit acteur, impliqué dans ces scènes (1).

L’effet analgésique de l’hypnose a été exploré dans une étude chez des volontaires au PET scan. La modulation de la perception douloureuse par l’état hypnotique fait intervenir le cortex cingulaire antérieur (2)

1. Maquet p, Faymonville me, Degueldre c, Delfiore g, Franck g, Luxen a. Lamy m. Functional neuroanatomy of the hypnotic state.Bio. Psychiatry 1999, 45 : 327-333

2. Faymonville me, Laureys s, Degueldre c, Delfiore g, Luxen a, Franck g, Lamy m, Maquet P. Neural mechanisms of antinociceptive effects of hypnosis Anesthesiology, May 2000, in press.

 

 

PASSAGE A L’ACTE

Dans cette histoire, il y a un stomato et un psychiatre. Si chacun respecte le travail de l’autre, leurs métiers sont si distants qu’ils n’ont aucune raison de se rencontrer.

Dans cette histoire il y a aussi une molaire, une 36 infectée… en fait une jeune femme qui souffre de cette infection.

Le stomato doit extraire cette dent et il entend sa patiente dire : « d’accord, mais sous hypnose ».

L’hypnose il en a bien entendu parler, comme tout le monde, le spectacle et tout ça, mais ici, dans son cabinet pour une extraction ?

Le psychiatre connaît l’hypnose depuis des années, il a déjà vu la manière dont l’hypnose aide ses patients pris dans des souffrances morales.

« Vous êtes sûre de vouloir subir cette intervention avec l’hypnose comme seule anesthésie ? »

C’est l’histoire de cette rencontre inattendue, de ce passage à l’acte.

 


L’anxiété d’un enfant en milieu hospitalier et particulièrement en période préopératoire est actuellement une réalité bien mise en évidence par plusieurs équipes notamment Kain (1).

 Un "score d’anxiété" a permis d’évaluer l’influence de la prémédication, de la présence des parents au bloc opératoire ou encore d’autres méthodes de préparation de l’enfant à l’anesthésie (2).

 En effet, pour des raisons qui lui sont parfois inconnues, l’enfant est plongé, un certain jour, dans l’univers très particulier de l’hôpital. Son environnement, son lit, la nourriture, son pyjama, les infirmières, sont alors inconnus ou lui rappelle des moments d’angoisses et de douleurs d’un séjour précédent. Dès le premier instant, l’anxiété peut être déjà là. Pourtant son parcours n’est pas fini. Il lui faudra encore être examiné, prémédiqué, piqué, déshabillé, touché, endormi… et puis c’est la douleur postopératoire, le jeûne, les pansements, les nuits à l’hôpital parfois loin de ses parents.

 Le médecin anesthésiste, formé à l’hypnose, peut être présent et actif dans toutes ces étapes de l’enfant : lors de la consultation préanesthésique avec les parents, lors de l’induction, lors des pansements, en postopératoire.

 En reconnaissant la réalité de la douleur ou de l’angoisse de l’enfant, exprimées différemment en fonction de son âge, nous tentons d’emblée d’établir une relation de confiance avec lui. Il est alors prêt à nous donner toute son attention, et notre intervention, avec l’aide de l’hypnose, pourra modifier sa relation sur l’environnement pour l’amener à un état de détente, de relaxation ou d’analgésie favorable à l’induction anesthésique ou à la réalisation de petits actes (ex : ablation de drain thoracique, pose de perfusion…)

 Mais cette approche se heurte parfois à des difficultés au sein de la structure hospitalière. La nécessité du traitement chirurgical (excluant le choix de l’enfant), l’existence d’actes douloureux aigus et brefs, l’environnement agressif (bruits, froid, visages masqués, inconnus…) et enfin la disponibilité partielle et limitée dans le temps de l’anesthésiste, sont des obstacles à l’obtention de résultats optimaux. Une réelle prise en compte de ces facteurs est nécessaire pour que l’hypnose trouve une vraie place en chirurgie pédiatrique.

 (1) : Kain et coll : Distress during the induction of anesthesia and postoperative behavorial outcomes. Anesth. Analg, 1999, May, 88 :5, 1042-7

 (2) : Kain et coll : The Yale Preoperative Anxiety Scale : how does it compare with a « gold standard » ? Anaesth Analg. 1997 Oct, 85 :4, 783-788

 

 

 

LA PREPARATION DE L'INTERVENTION

 

·         Prise en charge dès la première consultation d'anesthésie.

·         Reconnaissance du lien interpersonnel de type transférentiel entre patient et praticien.

·         Identification des régressions affectives, réactions, involutions et des vécus particuliers.

·         Répondre à la demande de protection, d'information, rassurer et reconnaître l'état d'agressé, d'anxiété.

·         Diminuer le stress pré-op, préparer l'antalgie post-op.

·         L'écoute (le silence, le corps, le regard), la détermination du profil sensoriel.

·         La façon de délivrer l'information (induction, accompagnement).

·         L'interrogation – affirmation, éviter négations et idées anxiogènes, truismes, proposer une terre d'asile sans déresponsabiliser ; évoluer d'idées acceptables en concepts acceptés. Rester crédible dans ses buts et dans ses propos.

·         Se méfier des suggestions directes (échec de la méthode Coué si manque de conviction).

·         Respect des limites de la réalité du patient.

·         Aboutir à ce que le patient pratique lui-même son autosuggestion.


Je voudrais exposer mon expérience briochine faite de cinq accompagnements par l'hypnose d'interventions chirurgicales :

 ·         une prothèse de genou,

 ·         une prothèse mammaire,

 ·         une tumeur plantaire,

 ·         deux interventions en cancéro-gynécologie.

 Utiliser cette expérience pour réfléchir à l'introduction de l'hypnose dans un milieu non préparé, la place qu'elle peut prendre en pratique courante, ses intérêts et la manière de l'introduire.

 Utiliser l'hypnose comme un moyen de placer au centre de l'intervention le patient et ses capacités propres à intégrer tous les paramètres de l'opération, la modification du schéma corporel, le traitement des sensations douloureuses, la prévention des états douloureux chroniques et l'acceptation active de tous les petits gestes agressifs qui entourent une intervention chirurgicale.

 

 

 

HYPNOSE DANS LES SITUATIONS D'URGENCE

Préparation aux interventions

M'est venue l'idée d'utiliser l'hypnose dans le cadre des transports Samu : induire un état modifié de conscience pour permettre après le conditionnement usuel aux interventions Smur :

·         d'assurer le transport d'une victime dans les meilleures conditions de confort moral et physique,

 ·         de préparer le patient à aborder au mieux le monde hospitalier souvent source d'angoisses et de douleurs (même si c'est pour une juste cause),

 J'utilise pour ce faire les techniques de l'hypnose éricksonienne, avec l'accord des patients à chaque fois que c'est possible, pour induire un état de transe.

 Les transports inter hospitaliers (dits secondaires) sont plus propices à l'utilisation de ces techniques pour des raisons de temps, mais je les emploie également lors d'interventions primaires (infarctus, traumatismes de membres par exemple) dans un contexte d'anxiété et de douleur extrêmes.

 L'état  psychologique du patient-victime, ne lui laisse pas toujours la possibilité d'évoquer des souvenirs agréables et cela se conçoit aisément. Une transe "classique" est dès lors peu envisageable. Dans ces situations, c'est le comportement du médecin et de l'équipe qui l'entoure qui va pouvoir influencer en mieux (ou en bien) l'état psychologique du patient.

 

 

 

ANXIOLYSE VERBALE

 La voix est le principal média permettant au thérapeute d'amener le patient à se libérer de son anxiété pour entrer en relaxation et en hypnose.

 Elle permet de véhiculer à la fois une ambiance qui sert de cadre et de techniques de communication.

 Après un rapide exposé des principales techniques utilisées pour amener un sujet à se détendre et à lâcher prise pour entrer en hypnose, nous proposerons des exercices aux participants pour leur permettre d'avoir une approche sensitive de la communication hypnotique.

 1 – Principales techniques

·       La voix (rythme, modulation, hauteur….),

·       Les truismes,

·       L'implication,

·       Les suggestions (directes, composées, ouvertes, etc…)

·       Le questionnement,

·       Le choix illusoire,

·       Les gestes,

·       La communication à plusieurs niveaux,

·       Le saupoudrage.

 2 – Exercices en trinômes pour travailler quelques-unes de ces techniques à partir de modèles apportés par les formateurs.

 

 

 

HYPNOSE EN OBSTETRIQUE

Le but de la préparation (sous hypnose) à la naissance est de rendre la patiente autonome dans la gestion des évènements émotionnels et / ou algiques (autant pendant la grossesse qu'après la naissance).

Au cours de l'accouchement, l'état de conscience se modifie spontanément et des moyens de défense sont  habituellement développés par les patientes (même non préparées) tels que l'amnésie partielle, la dissociation ou la distorsion du temps. Ces moyens sont repris au cours des hypnoses.

L'amnésie, la distorsion du temps peuvent être proposées sous une forme métaphorique, par exemple une promenade sur la plage.

L'analgésie, la dissociation sont développées au cours de classiques transferts d'analgésie de la main à une autre partie du corps.

Dans la pratique de Philippe Marchand, 4 ou 5 séances formelles sont prévues avec l'enregistrement d'une cassette lors de chaque séance pour la répétition au domicile.

Armelle Touyarot a recours à l'hypnose pour l'apprentissage à la relaxation, l'approche de la douleur, le traitement des menaces d'accouchement prématuré, l'hypertension, les déprimes post-partum en qualité de sage-femme et de thérapeute.

De même pour Catherine Bassereau, sage-femme qui utilise l'hypnose dans le cadre du prénatal et du post-partum (en particulier pour la rééducation périnéale).

 

 

UTILISATION  DE L'HYPNOSE

CHEZ LES ENFANTS BRULES

Au centre de traitement des Brûlés de l'H.I.A. Percy, il n'existe en principe que deux lits pour enfants brûlés. Cependant il arrive que sept ou huit de nos vingt deux lits soient occupés par des enfants.

D'autre part, des parents amènent en consultation externe de tous jeunes enfants. Brûlés sur une petite surface, de façon superficielle, ils souffrent beaucoup mais n'ont pas droit au traitement morphinique puisqu'ils ne sont suivis qu'à titre externe.

L'hypnose sera donc utilisée de façons diverses :

·         à la consultation externe pour tenter de soulager la douleur et calmer l'angoisse avec un succès qui est essentiellement lié à l'âge des enfants. Avant 3 à 4 ans je n'enregistre guère de succès ; les résultats sont beaucoup plus probants avec des enfants capables d'entrer dans un jeu imaginaire, et tout comme avec les adultes, il est plus aisé d'empêcher la douleur de survenir pendant la réfection d'un pansement que de supprimer une douleur aiguë déjà installée.

·         pour les enfants hospitalisés, l'hypnose est utilisée dans deux directions :

        ® à visée antalgique en complément du traitement de la douleur conduit par les anesthésistes puisque tous les pansements sont réalisés sous anesthésie générale et la morphine est administrée régulièrement. C'est donc plutôt pour les petits gestes, tels que la pose d'une sonde œsophagienne, voire l'injection sous-cutanée redoutée par certains petits patients.

 ® Mais c'est surtout dans le domaine de la prévention et du traitement de la névrose traumatique à laquelle les enfants sont encore plus sujets que les adultes que nous utilisons régulièrement l'hypnose avec un succès qui pour le moment est indéniable et que nous nous proposons d'illustrer d'exemples cliniques, sans oublier de remarquer pour autant que si l'induction hypnotique utilise parfois le paradoxe, ce sont aussi nos jeunes patients qui nous mettent dans des situations paradoxales.